Manifeste du Collectif des Prostituées de Seville

 

 

La prostitution n’est pas un crime. Nous, les prostituées, nous ne sommes pas des criminelles.

Aucune loi en Espagne n’interdit la vente de services sexuels entre des personnes adultes. La Loi Gag et les ordonnances municipales de Séville ne pénalisent pas la prostitution, puisqu’elles ne peuvent pas le faire. Pourtant, les deux règlements violent le principe de légalité, ainsi que les droits fondamentaux contenus dans la Constitution espagnole et le Statut d’Autonomie d’Andalousie, en privant les travailleuses du sexe des droits fondamentaux tels que le droit de circuler librement. Ils restreindent aussi, au travers de la répression, l’utilisation de l’espace public. Il n’y a pas de différence légale entre les prostituées, leurs clients et le reste des piétons; pour en faire la distinction, on n’utilise que des critères arbitraires de la police nationale et municipale, qui sont devenus une sorte de police morale.

 

Nous, les prostituées, nous sommes des femmes dignes.

La legitimité de la Constitution est basée sur la reconnaissance que «la dignité de la personne humaine, les droits inviolables qui lui sont inhérents, le libre développement de la personnalité, le respect de la loi et des droits d’autrui sont la base de l’ordre politique et de la paix sociale «.

Et la Cour Constitutionnelle définit la dignité comme «une valeur spirituelle et morale inhérente à la personne, qui se manifeste singulièrement dans l’autodétermination consciente et responsable de sa propre vie et qui s’accompagne de la prétention du respect d’autrui».

Nous, les prostituées, nous sommes des femmes dignes parce que nous déterminons nos vies de manière consciente et responsable et que nous cherchons le respect de la société dans son ensemble. Ceux qui essaient de nous faire devenir des mineures ayant besoin de tutelle s’attaquent directement à notre dignité; ils essaient de nous priver de notre capacité de décision; ils essaient, en somme, d’enlever notre liberté.

 

Nous, les prostituées, nous réclamons tous nos droits sexuels en tant que femmes.

Nous, les prostituées, nous ne considérons pas que le travail sexuel soit indigne ou que les relations sexuelles consenties entre des adultes hors mariage soient un fléau qui doive être éradiqué. C’est notre conviction, pour laquelle nous exigeons le même respect que nous avons envers ceux qui pensent le contraire. Nous revendiquons notre droit de vivre et de faire de notre sexe et notre sexualité ce que nous en décidons, sans interférence morale.

 

Nous, les prostituées, nous sommes des travailleuses du sexe.

Le travail du sexe, c’est un travail. En Espagne, la prostitution n’est pas interdite; pourtant, les droits des prostituées sont refusés. Dans cette situation, nous, les travailleuses du sexe, nous sommes assujeties à une situation de travail sans aucun droit. Cependant, l’hypocrisie de cette société ajoute le résultat de notre travail au Produit Intérieur Brut tout en nous refusant le droit du travail pour «défendre notre dignité».

 

La prostitution, ce n’est pas de la traite ou de la violence de genre.

Il n’est pas possible de faire des comparaisons entre les victimes d’un crime tel que la traite des êtres humains et des femmes qui pratiquent la prostitution librement et de leur propre choix. Cela ne fait que simplifier une réalité beaucoup plus complexe. Cela contribue aussi à l’ignorance sur cette réalité, ainsi qu’à la discrimination, la nuissance et la violation des droits des personnes qui pratiquent la prostitution.

La criminalisation de la prostitution perpétrée, au délà du Parlement espagnol, par le conseil municipal de Séville (entre autres) et par le gouvernement précédent du Parti Populaire avec sa Loi Gag, ne sert qu’à accroître la marginalisation et la faiblesse sociale des prostituées, nous laissant presque absoluement sans défense contre les mafias de la traite des êtres humains et menacent de nous faire devenir ce que les abolitionnistes veulent que nous devenions: des victimes ayant besoin de sauveurs.

Il est absurde de dire que la pénalisation est pour les clients et pas pour les prostituées. Aussi absurde de dire que dans une entreprise c’est l’achat qui est pénalisé, mais pas la vente. Celles qui sont finalement pénalisées, c’est nous, les prostituées, qui voyons ainsi notre survie économique mise en danger. C’est là la vraie violence contre les femmes que nous, les prostituées, nous subissons: la violence abolitionniste.

 

Nous, les prostituées, nous ne demandons pas de l’aide pour sortir de la prostitution: nous demandons l’abolition de la pauvreté.

Aucune femme n’est née pour être pauvre. La pauvreté est dégradante et coercitive. Une société qui accepte la pauvreté ou qui croit que la pauvreté est inévitable ne respecte pas les femmes. La pauvreté est une forme de violence, une violence qui touche de manière disproportionnée les personnes marginalisées. La pauvreté ne peut être considérée comme un choix qui garantit de la sécurité.

 

En conséquence, nous, les prostituées de Séville:

Nous demandons:

  • L’abrogation immédiate de la Loi Gag et des ordonnances anti-prostitution du conseil municipal de Séville.
  • La reconnaissance par l’Etat que le travail du sexe est un travail et l’application immédiate du Statut des Travailleurs et d’autres normes qui garantissent les droits des travailleuses.
  • La fin de la campagne de haine contre les prostituées du conseil municipal de Séville et l’affectation immédiate des fonds destinées à cette campagne à la lutte contre la pauvreté feminine à Séville.

 

Nous, les prostituées, nous avons commencé à nous manifester publiquement et nous ne garderons plus le silence!

Vous ne nous embarrasserez plus jamais avec vos campagnes infâmes!

 

À Séville, le 8 décembre 2017

Le Collectif des Prostituées de Seville

 

 

Colectivo de Prostitutas de Sevilla

Twitter: @ProstitutasSev

e-mail: Colectivo.prosev@gmail.com

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